Au début du mois de juillet, j’ai investi une bonne partie du généreux
salaire que m’octroie l’ordre judiciaire dans une semaine de vacances dans le
Luberon (inutile de chercher l’accent, il n’y en a pas !). Nous étions dans un gite un peu à l’écart de
la civilisation, au milieu des vignes et des champs de lavande, à la limite des
AOC Ventoux et Luberon. Tout cela se
trouve donc dans le Vaucluse, mais on a fait une incursion dans les
Bouches-du-Rhône pour aller voir Aix-en-Provence. Or il se trouve que l’antique Aquae Sextiae,
ville natale de Paul Cézanne, décrite en long, en large et en travers sous le
nom de Plassans par Emile Zola dans sa saga des Rougon-Macquart, célèbre pour
les fontaines qui jalonnent le cours Mirabeau, abrite une très intéressante
boutique répondant au doux nom des Plaisirs des Thés, que j’ai dévalisée dans
la limite des stocks budgétaires disponibles.
Une fois n’étant pas coutume, j’ai même cédé à la pratique de l’achat
par 50 grammes pour avoir le plus de thés différents possibles. Mieux que les photos de vacances, voici donc
le début de ma série de souvenirs de Provence, avec « Nuages », un thé blanc népalais.
Dans un précédent article consacré à un grand cru de l’ancienne monarchie devenue aujourd’hui une république fédérale, je me suis déjà étalé sur
l’origine de la culture du thé dans cette région du monde, inutile donc de
revenir là-dessus. Par contre, je n’ai
pas encore eu l’honneur de parler du thé blanc, je m’empresse donc de combler
cette lacune.
Le thé blanc est une famille de thé originaire de la fameuse province chinoise du Fujian, celle-là même à qui on doit également le thé noir et le
oolong (ainsi que le mot « thé », qui vient du dialecte du Fujian et
qui indique que la meilleure des boissons est venue chez nous par la mer et non
pas par voie terrestre via la route de la soie, sinon on aurait quelque chose
qui ressemblerait à « cha »). C’est
le type de thé dont les feuilles sont les plus proche de celles qui poussent sur
les théiers car elles subissent le moins de traitement après la cueillette. Il n’y a en fait que deux étapes : un
flétrissage sous le soleil du printemps, suivi d’un séchage à basse
température. Cette dernière étape est
essentielle car une température trop haute jauni les feuilles et donc c’en est
fini du thé blanc, tandis qu’une température trop basse ne développera pas
suffisamment les saveurs. On en trouve
trois sortes différentes :
- le Bai Mu Dan (« pivoine blanche » en français), le plus connu, avec ses belles feuilles séchées ;
- le Yin Zhen (« aiguilles d’argent »), le plus prestigieux, avec ses longs bourgeons duveteux ;
- le Shou Mei (« sourcils de longévité »), le moins connu, qu’on retrouve compressé en galette comme le pu er.
Nous avons ici des feuilles séchées donc ce thé népalais doit être
l’équivalent local du Bai Mu Dan.
Généralement, je suis l’équivalent d’un ayatollah en ce qui concerne
l’origine des thés et donc dans mon esprit le thé blanc c’est la Chine et rien
d’autre. Sauf que nous sommes entrés
dans une ère de modernité où les anciennes colonies britanniques (et leurs
voisins dans le cas du Népal) ont jeté le monopole du thé noir aux orties, ce
qui fait qu’on peut trouver partout du thé vert d’Assam, du oolong deDarjeeling ou du thé blanc népalais, donc pourquoi s’en priver ?
Celui-ci nous provient du jardin d’Aarubotay, situé à la frontière de
l’Inde, et qui a eu la bonne idée de passer à la culture bio il y a une dizaine
d’années. Je lis qu’une collaboration
avec les Japonais a aidé au développement de l’entreprise, ce qui est sans
doute utile et de bon goût pour le thé vert, mais pour le thé blanc je suis un
peu plus sceptique. Quoiqu’il en soit,
les Plaisirs des Thés sont précis en indiquant qu’il s’agit d’un First Flush
(soit récolte de printemps, ce qui est normal pour un thé blanc) DJ14,
c’est-à-dire du 14e jour de récolte, soit le 10 avril. Il a reçu son nom de « Nuages » à cause de gros nuages blancs qui montaient
des plaines et entouraient la plantation.
C’est beau et ça fait rêver, hein ?
Et encore, je vous passe la description des alentours, qui est faite à
coup de forêts sauvages, d’orchidées et de parfum d’oranger dans la brise du
soir !
Les Plaisirs des Thés conseillent une infusion de 4 minutes à 70°, que j’ai
suivi scrupuleusement tout en me méfiant un peu, parce que le Bai Mu Dan est
connu pour devoir être infusé assez longtemps pour en tirer quelque chose, le
traitement minimaliste de ses feuilles entrainant une faible densité. Donc 4 minutes à une température si basse, ça
me semblait bien court. Mais il
semblerait que le terroir népalais soit plus généreux que les environs de
Fuding, puisqu’on obtient une excellente liqueur, fraiche, légère et
désaltérante comme on peut s’y attendre avec un thé blanc de qualité, mais
surtout avec en plus un goût de citron !
Et ça, ça m’a surpris.
Généralement, le Bai Mu Dan est légèrement floral, peut-être un peu
fruité si on réussit à l’infuser juste le temps qu’il faut (pas assez c’est
trop fade mais trop longtemps c’est trop chargé donc moins aromatique, c’est
capricieux, une pivoine blanche). Rien
de tout cela avec nos nuages népalais, que je recommande donc aux amateurs de
thés blancs qui découvriront de nouvelles saveurs, aux amateurs de thés népalais
qui découvriront une nouvelle facette du savoir-faire local, mais aussi aux
amateurs de thés aromatisés qui devraient aimer le goût de citron et enfin à
ceux qui ne savent pas infuser correctement un thé et qui doivent trouver le
Bai Mu Dan trop fade, sans saveur et sans intérêt, ce qu’il n’est pas du tout
si on le prépare correctement.