mardi 30 août 2016

Nuages (Les Plaisirs des Thés)


Au début du mois de juillet, j’ai investi une bonne partie du généreux salaire que m’octroie l’ordre judiciaire dans une semaine de vacances dans le Luberon (inutile de chercher l’accent, il n’y en a pas !).  Nous étions dans un gite un peu à l’écart de la civilisation, au milieu des vignes et des champs de lavande, à la limite des AOC Ventoux et Luberon.  Tout cela se trouve donc dans le Vaucluse, mais on a fait une incursion dans les Bouches-du-Rhône pour aller voir Aix-en-Provence.  Or il se trouve que l’antique Aquae Sextiae, ville natale de Paul Cézanne, décrite en long, en large et en travers sous le nom de Plassans par Emile Zola dans sa saga des Rougon-Macquart, célèbre pour les fontaines qui jalonnent le cours Mirabeau, abrite une très intéressante boutique répondant au doux nom des Plaisirs des Thés, que j’ai dévalisée dans la limite des stocks budgétaires disponibles.  Une fois n’étant pas coutume, j’ai même cédé à la pratique de l’achat par 50 grammes pour avoir le plus de thés différents possibles.  Mieux que les photos de vacances, voici donc le début de ma série de souvenirs de Provence, avec « Nuages », un thé blanc népalais.

Dans un précédent article consacré à un grand cru de l’ancienne monarchie devenue aujourd’hui une république fédérale, je me suis déjà étalé sur l’origine de la culture du thé dans cette région du monde, inutile donc de revenir là-dessus.  Par contre, je n’ai pas encore eu l’honneur de parler du thé blanc, je m’empresse donc de combler cette lacune.

Le thé blanc est une famille de thé originaire de la fameuse province chinoise du Fujian, celle-là même à qui on doit également le thé noir et le oolong (ainsi que le mot « thé », qui vient du dialecte du Fujian et qui indique que la meilleure des boissons est venue chez nous par la mer et non pas par voie terrestre via la route de la soie, sinon on aurait quelque chose qui ressemblerait à « cha »).  C’est le type de thé dont les feuilles sont les plus proche de celles qui poussent sur les théiers car elles subissent le moins de traitement après la cueillette.  Il n’y a en fait que deux étapes : un flétrissage sous le soleil du printemps, suivi d’un séchage à basse température.  Cette dernière étape est essentielle car une température trop haute jauni les feuilles et donc c’en est fini du thé blanc, tandis qu’une température trop basse ne développera pas suffisamment les saveurs.  On en trouve trois sortes différentes :

  • le Bai Mu Dan (« pivoine blanche » en français), le plus connu, avec ses belles feuilles séchées ;
  • le Yin Zhen (« aiguilles d’argent »), le plus prestigieux, avec ses longs bourgeons duveteux ;
  • le Shou Mei (« sourcils de longévité »), le moins connu, qu’on retrouve compressé en galette comme le pu er.

Nous avons ici des feuilles séchées donc ce thé népalais doit être l’équivalent local du Bai Mu Dan. 


 

Généralement, je suis l’équivalent d’un ayatollah en ce qui concerne l’origine des thés et donc dans mon esprit le thé blanc c’est la Chine et rien d’autre.  Sauf que nous sommes entrés dans une ère de modernité où les anciennes colonies britanniques (et leurs voisins dans le cas du Népal) ont jeté le monopole du thé noir aux orties, ce qui fait qu’on peut trouver partout du thé vert d’Assam, du oolong deDarjeeling ou du thé blanc népalais, donc pourquoi s’en priver ?

Celui-ci nous provient du jardin d’Aarubotay, situé à la frontière de l’Inde, et qui a eu la bonne idée de passer à la culture bio il y a une dizaine d’années.  Je lis qu’une collaboration avec les Japonais a aidé au développement de l’entreprise, ce qui est sans doute utile et de bon goût pour le thé vert, mais pour le thé blanc je suis un peu plus sceptique.  Quoiqu’il en soit, les Plaisirs des Thés sont précis en indiquant qu’il s’agit d’un First Flush (soit récolte de printemps, ce qui est normal pour un thé blanc) DJ14, c’est-à-dire du 14e jour de récolte, soit le 10 avril.  Il a reçu son nom de « Nuages »  à cause de gros nuages blancs qui montaient des plaines et entouraient la plantation.  C’est beau et ça fait rêver, hein ?  Et encore, je vous passe la description des alentours, qui est faite à coup de forêts sauvages, d’orchidées et de parfum d’oranger dans la brise du soir !

Les Plaisirs des Thés conseillent une infusion de 4 minutes à 70°, que j’ai suivi scrupuleusement tout en me méfiant un peu, parce que le Bai Mu Dan est connu pour devoir être infusé assez longtemps pour en tirer quelque chose, le traitement minimaliste de ses feuilles entrainant une faible densité.  Donc 4 minutes à une température si basse, ça me semblait bien court.  Mais il semblerait que le terroir népalais soit plus généreux que les environs de Fuding, puisqu’on obtient une excellente liqueur, fraiche, légère et désaltérante comme on peut s’y attendre avec un thé blanc de qualité, mais surtout avec en plus un goût de citron !  Et ça, ça m’a surpris. 

Généralement, le Bai Mu Dan est légèrement floral, peut-être un peu fruité si on réussit à l’infuser juste le temps qu’il faut (pas assez c’est trop fade mais trop longtemps c’est trop chargé donc moins aromatique, c’est capricieux, une pivoine blanche).  Rien de tout cela avec nos nuages népalais, que je recommande donc aux amateurs de thés blancs qui découvriront de nouvelles saveurs, aux amateurs de thés népalais qui découvriront une nouvelle facette du savoir-faire local, mais aussi aux amateurs de thés aromatisés qui devraient aimer le goût de citron et enfin à ceux qui ne savent pas infuser correctement un thé et qui doivent trouver le Bai Mu Dan trop fade, sans saveur et sans intérêt, ce qu’il n’est pas du tout si on le prépare correctement.


mercredi 17 août 2016

Spirales de Qi Men (Thé Calin)


Voici un premier article consacré à la vraie raison qui m’a poussé à trouver le courage de reprendre mon blog injustement délaissé.  Il m’est en fait arriver un truc dingue : malgré son inactivité, il a été référencé sur le site de Thé Calin , qui reste mon fournisseur de thés chinois favori.  Evidemment, j’ai vendu chèrement ma peau et mon droit à l’image, j’ai donc négocié de plantureuses royalties sous forme d’échantillons. 
Aujourd’hui, nous allons donc élever nos habitudes théinées grâce aux Spirales de Qi Men dechez Thé Calin.    Elles figuraient dans mon panier en attende d’une hypothétique prochaine commande pour le jour où mon armoire à thés se viderait un peu et mes finances se rempliraient un peu plus, aussi quand on m’a demandé quels échantillons me fairaient plaisir, celui est venu en premier.  Merci à Thé Calin en général et à Philippe, le responsable clientèle, en particulier.

Dans un précédent article , j’évoquais le thé noir de Qimen en disant que j’en parlerais une autre fois.  Un an, neuf mois et dix jours plus tard, il est plus que temps de combler cette lacune !

Le Qimen tire son nom de la ville éponyme, qui a le statut de chef-lieu de district dans la province de l’Anhui, laquelle est célèbre pour produire de prestigieux thés verts comme le Tai Ping Hou Kui, le Huang Shan Mao Feng et le Liu An Gua Pian.  Ce thé noir est pourtant tout aussi prestigieux que ses voisins puisqu’il est le seul de sa famille a figuré la fameuse liste des dix thés chinois les plus prestigieux. 

On raconte qu’il fut créé en 1875 par un certain Yu Gancheng, un ancien fonctionnaire de retour du Fujian , la province où le thé noir a été inventé.  Revenu dans sa région, il a réussi à convaincre un maître de thé répondant au doux nom de Hu Yuanlong d’abandonner l’antique méthode du thé vert pour se lancer dans la production de thé noir.   C’est en fait un raccourci aussi malheureux que de dire que Vauban a fortifié Rocroi alors qu’il n’y a fait que renforcé une forteresse érigée un siècle avant lui, puisqu’on trouve des traces de la fabrication du thé noir dans la région de Qimen dès le début du XIXe siècle.  Monsieur Yu n’a donc fait qu’améliorer un produit existant déjà grâce aux recettes du Fujian, qui sont ce qui se fait de mieux pour le thé noir.

Les Anglais sont ensuite passés par là et n’ont comme d’habitude pas compris grand-chose, ce qui fait que ce thé est connu en Occident sous le nom de Keemun.  On se demande bien comment, puisque la prononciation chinoise ressemble à quelque chose comme « tchi maine », ce qui personnellement me fait plutôt penser à la fiancée de Don Rodrigue dans l’histoire du Cid.  Mais quand on sait que le Zheng Shan Xiao Zhong est devenu Lapsang Souchong de la même manière, on se dit que tout est possible au pays de Sa Gracieuse Majesté !

Célèbre mondialement pour ses arômes évoquant le cacao, le Qimen est un thé prestigieux qui se décline en multiples grades, un peu comme le Darjeeling et l’Assam, si ce n’est que les Chinois préfèrent les chiffres aux successions de lettres pas toujours très compréhensibles.  On a donc des grades de 7 à 1 en fonction de la taille et de l’aspect des feuilles. Au-dessus du 1 il y a encore le grade Hao Ya, qui est entièrement composé de bourgeons et  qui se divise en A et B.  Entre les chiffres et les lettres, vient s’insérer l’appellation hybride de « Qimen Mao Feng » qui désigne un thé riche en bourgeons (je dis « hybride » parce qu’on voit plus souvent cette appellation pour les thés verts que les thés noirs). 

Tout cela est-il clair pour toi, courageux lecteur ?  Si oui, je te félicite, si non, ne t’inquiète pas, car le Qimen du jour est étranger à toute forme de classification et n’entre donc dans aucun des grades que je viens d’expliquer.  La faute en revient au producteur, Monsieur Wangchang, qui après trente années de bons et loyaux services a décidé de sortir des sentiers battus façonnés par les cinq générations qui l’ont précédé.  Et on l’en félicite !  Car tirer la qualité vers le haut, c’est la meilleure façon de tirer son épingle du jeu.

Nous avons donc ici un bourgeon accompagné d’une ou deux feuilles, le tout torsadé en forme de spirales (comme l’indique le nom du thé). 



C’est d’abord beau à voir mais ensuite (et surtout !) bon à boire. 

J’ai déjà goûté plusieurs Qimen de plusieurs grades, certains plus corsés, d’autres plus fins et aromatiques, mais ils avaient tous en commun cette note dominante de cacao qui leur donne un goût assez fort et ne plait donc pas à tout le monde (et je pense ici à ma compagne qui partage mes thés en plus de ma vie en général).  Or ici il y a autre chose : la note de cacao est bien présente (et c’est tant mieux) mais elle est fine et subtile plutôt que franche et massive, ce qui laisse de la place à des notes plus florales qui s’exprime en second temps.  C’est un peu la même différence qu’il y a entre un Darjeeling de printemps léger et aromatique et un récolte d’été plus franche et corsée.  Si pour les Darjeeling je préfère définitivement la récolte d’été à celle de printemps que je trouve trop fade à ma goût, ici en revanche je suis entièrement séduit par les Spirales de Qi Men dont la douceur et la palette aromatique ne font faire qu’encore augmenter mon niveau d’exigence pour mes prochains achats.  Et pourtant Thé Calin nous promet encore quelque chose de mieux avec le Joyau céleste de Qi Men, qui est carrément classé grand cru !  Mais ça, c’est une autre histoire…
Pour d'autres avis sur les Spirales, on peut aussi consulter d'autres blogs, par exemple chez Alain, Isaure ou encore Cidö 


mardi 9 août 2016

Lapsang Souchong (Dammann Frères)



Suite à la demande générale de quatre personnes, j’ai décidé d’essayer de retrouver le temps nécessaire à la réanimation de ce pauvre blog qui n’a pas mérité autant d’inactivité.  D’autant que j’ai une bonne raison puisqu’une compatriote blogeuse plus active que moi m’a envoyé deux échantillons de thé dont je me devais de parler.  C’est donc parti pour le Lapsang Souchong de Dammann Frères !

Le Lapsang Souchong désigne un thé noir fumé, normalement originaire de la province de Fujian, précisément des Monts Wuyi, soit le même terroir que les prestigieux oolongs des rochers (Da Hong Pao, Tie Luo Han, Shui Jin Gui, Bai Ji Guan, Rou Gui et Shui Xian).  Le nom original est Zheng Shan Xiao Zhong (soit « les petites feuilles de la Montagne Zheng ») et a été déformé par les Anglais, exactement comme avec le Qimen qu’on appelle aussi Keemun en Occident.  Si on en croit le Livre des Ming, son origine remonte à la seconde moitié de la dynastie éponyme, ce qui nous amène aux confins de la fin du 16e et du début du 17e siècle.  Même si on trouve des thés plus vieux, ce n’est donc plus un petit jeune.  Certains disent meme qu'il s'agit du tout premier thé noir qui a été créé, du moins dans sa version originale non fumée.  Car le fumage a encore mis un peu de temps avant d'arriver.


La légende raconte qu’un beau jour du 19e siècle, une armée de passage dans les Monts Wuyi réquisitionna un bâtiment qui servait de séchoir pour le thé.  Pour ne pas perdre la récolte, les feuilles ont été séchées au-dessus d’un feu de bois.  On n’est pas bien certain si c’étaient des racines d’épicea ou des branches de pin, mais ce qui est sûr, c’est que cela  donna aux feuilles un goût de fumée particulier qui semble avoir plu à certains et pas à d’autres, ce qui fait que de nos jours on retrouve les deux versions, fumées et non fumées.  En fait, c’est surtout en Occident qu’on trouve la version fumée (qu'on considère comme du thé chinois), les Chinois préférant la version non fumée (qu'ils considèrent comme le thé des étrangers).  Je les soupçonne d’ailleurs de se garder la meilleure qualité et de nous envoyer le bas de gamme qu’ils fument pour qu’on ne se rende compte de rien.  Jules Verne pensait d’ailleurs la même chose que moi, lui qui écrivait dans Claudius Bombarnac en 1982 que le thé que nous consommons en Europe a déjà servi à nettoyer les tapis du Céleste Empire…  Et tant que je parle de littérature, certains prétendent que le Lapsang Souchong est le thé préféré de Sherlock Holmes, mais je n’ai pas encore eu le temps de lire l’intégrale de ses enquêtes pour le confirmer (il faut d’abord que je réactive mon autre projet de lire l’intégrale des Rougon-Macquart d’Emile Zola, je me suis arrêté à Une page d’amour et il faut donc je reprenne le flambeau avec Nana).  Ce qui est certain par contre, c’est que Sir Winston Churchill en raffolait, mais il y ajoutait du whisky (où alors c’était l’inverse).  Enfin, pour finir avec les histoires, François-Xavier Delmas, le grand vizir du Palais des Thés, a réussi à trouver le fameux séchoir réquisitionné par l’armée où tout a commencé.
Le Lapsang Souchong fumé est un thé particulier : avec son arôme de fumée, ça passe ou ça casse.  Personnellement je l’aime fortement fumé et je suis d’ailleurs déçu quand le fumage est léger.  On dit que ce sont les Taïwanais qui font les versions les plus fumées, mais ce n’est pas une science exacte car il existe un Lapsang Souchong Crododile made in Taiwan qui est en fait fumé au bois de laque, ce qui lui donne une douceur dont personnellement je n’ai pas besoin avec un Lapsang Souchong.   C’est d’ailleurs pour ça que celui de Dammann ne m’a pas beaucoup plus : je l’ai trouvé trop léger.  Je n’étais pas surpris car Cidö m’avait  averti de son manque de fumage, mais il y a pire que ça ! Mais d’abord, reprenons les choses dans l’ordre.


Au commencement il y a la feuille sèche, pas très grande mais surtout brune alors que je suis habitué à les voir bien noires.  Mais l’odeur est fumée à souhait donc je ne me méfie pas et je me dis que ça va aller.  C’était une erreur, on ne devrait jamais se fier à l’odeur de la feuille sèche…


 



Dammann propose une infusion à 95° entre 3 et 5 minutes.  Moi dans ces cas-là je coupe la poire en deux et j’ai donc fait 4 minutes.  J’obtiens une liqueur  brun clair qui sent déjà moins la fumée que les feuilles sèches.  Et puis au goût, la déception : c’est pas mauvais, mais c’est légèrement fumé, trop légèrement fumé. Moi ce que j’aime c’est me retrouver dans la fumée d’un feu de bois et avec ça, c’est pas possible... 


 



S’il y a un observateur attentive parmi mes lecteurs occassionnels, peut-être remarquera-t-il que mon fidèle mug Bodrum en verre borosilicate ne figure pas sur la photo.  J’ai dû hélas m’en séparer car il a mal vécu la chute depuis la table du salon que lui a infligée mon adorable mais néanmoins parfois maladroit grand garçon de 4 ans (qui n’en avait que 3 à l’époque).  A la place, j’utilise maintenant cette tasse à double parfois que j’ai reçue à Noël.  Et tant que j’en suis à présenter mes accessoires, il y a également  la théière ronde en verre du Palais des Thés que j’ai reçue pour mon anniversaire (le même jour que Noël mais j’arrive quand même à différencier les cadeaux).
La deuxième infusion s’est révélée pire encore, puisque le goût fumé avait entièrement disparu, me laissant seul avec le goût du thé qui était également léger.  Du coup j’ai eu le sentiment d’avoir été eu : certains Lapsang Souchong sont parfumés à l’arôme de fumée et je me demande si je ne viens pas d’en découvrir un.  Car c’est la première fois que la fumée, même trop modérée à mon goût, disparait comme ça après une infusion.  Et ça c’est généralement le signe de parfum artificiel.  Bref, je suis content d’avoir pu goûter ce Lapsang Souchong pour l’ajouter à ma collection, mais heureusement qu’il ne s’agissait que d’un échantillon car je ne sais pas ce que j’aurais pu faire avec le reste.  L’utiliser pour cuisiner, peut-être : ajouté avec une sauce bolognaise ou n’importe quel plat de viande mijoté, il propage son goût fumé au reste du plat et c’est délicieux.  Mais comme j’ai du mal à faire autre chose que boire le thé que j’ai infusé quand je l’aime, je ne l’ai pas fait souvent.
Pour finir sur une bonne note, je vous tuyaute sur mes deux Lapsang Souchong fumés préférés :
  •  Celui des Thés de la Pagode, qui est le premier que j’ai essayé et auquel je reviens toujours car je n’en trouve jamais de plus fumé que lui.  On a l’impression de boire un feu de bois et bien que ça ait l’air bizarre à première vue, c’est finalement délicieux ! 
  • Celui de Thé Calin, qui est un peu moins fumé, mais qui présente l’avantage d’utiliser un thé de grande qualité, ce qui fait qu’il y a autre chose derrière la fumée, ce qui finalement est très plaisant !


 

mercredi 17 juin 2015

Oolong Four Seasons (La Magie du Thé)

Lors d'un précédent article, je parlais de ma propension à visiter le Palais des Thés local lorsque je me rends à Namur.  C'est vrai que l'enseigne est archiconnue et que sa boutique a pignon sur rue en étant située en plein cœur du piétonnier, en face de l'église Saint-Loup, mais elle ne doit pas pour autant nous faire oublier la présence d'un autre point de vente théiné dans la capitale wallonne, à savoir la Magie du Thé, qui est située dans la rue du Pont, celle-là même qui relie la place d'Armes au Grognon en enjambant la Sambre (d'où son nom).  Comme d'habitude, ma compagne a jeté son dévolu sur un oolong et lorsque j'en ai trouvé un vietnamien, je n'ai pas pu résister.  Ami lecteur occasionnel, voici donc exclusivement pour toi le Four Seasons de la Magie du Thé !

Celles ceux qui a l'époque bénie de l'obligation scolaire avaient choisi l'anglais comme deuxième langue (ou même en troisième langue comme c'est mon cas) l'auront deviné aisément : le Four Seasons doit son nom au fait qu'il est récolté quatre fois par an, à savoir au printemps, en été, en automne et en hiver.  Il utilise en fait le cultivar Si Ji Chun, qui fut développé à Taïwan en 1980, au départ du cultivar du Tie Guan Yin.  Le but recherché était d'augmenter la production et ce fut une réussite, car dans les plaines où le climat est le plus propice, on peut aller jusqu'à six récoltes par an.  C'est donc à la base un oolong de Taïwan, mais les flux migratoires l'ont conduit jusqu'au Vietnam, d'où vient celui dont je tente de parler en ce moment.

Au départ, on a exactement la même chose qu'avec un Tie Guan Yin (d'où le cultivar des quatre saisons est originaire), à savoir de jolies perles d'un beau vert clair, ce qui nous indique une faible oxydation.  


La liqueur tente également d'imité le Tie Guan Yin avec sa couleur jaune, mais je la trouve plus pâle et donc moins intense.  Surtout si je la compare à mon autre expérience d'un oolong vietnamien, qui lui utilise le même cultivar que le Tie Guan Yin, à savoir le Tra to Qy de l'Oasis des Saveurs (qui est en fait le même que celui des Jardins de Gaïa).


Au goût, on retrouve cette petite pointe corsée caractéristique des thés vietnamiens.  Du moins de tous les thés vietnamiens que j'ai goûtés jusqu'à présent.  Ils sont au nombre de deux, à savoir un vert (OP Ban Lien, originaire des montagnes du Nord) et un oolong (le précité Tra To Qy, originaire des montagnes du Sud).  J'attribuais cette note corsée au terroir vietnamien, mais ça viendrait également et surtout d'un manque de savoir-faire des producteurs locaux, qui ont moins d'expérience que leurs prestigieux voisins chinois et donc leurs thés ont également moins de finesse.  Cela dit, ça ne m'empêche pas de les trouver agréables et d'en faire la publicité autour de moi !  Après, j'admets que le côté corsé n'est pas accessible à tout le monde, mais moi, personnellement, j'adore ça.

A celles et ceux qui se demandent de quelle région du Vietnam vient ce oolong, je suis au regret de répondre que je n'en sais rien ! J'ai posé la question à la Magie du Thé sur Facebook (ils n'ont pas d'adresse email, les originaux !).  J'avais eu des réponses à mes questions sur mon premier achat chez eux (le Kwai Flower Oolong, originaire du Fujian et parfumé au pollen d'osmanthus), mais hélas, toujours pas de réponse sur le Four Seasons à l'heure d'écrire ces lignes...  Toutefois, lors d'une dégustation de oolongs à l'Heure bleue (c'est le point de chute d'Olivier Schneider lorsqu'il vient en Belgique, ce n'est donc pas la première gargote venue), j'en ai découvert un qui vient du Nord du Vietnam.  C'est la seule piste que j'ai pour le moment...

Ceci dit, le Four Seasons Oolong est un bon thé de tous les jours, parfait pour découvrir les oolongs, voire mêmes les thés vietnamiens, mais quand comme moi on connait déjà, il parait un peu fade.  Personnellement, je lui préfère le Tra To Quy, qui a plus de goût avec ses notes de fruits jaunes.  Mais c'est normal, car il part avec un avantage, puisqu'il utilise le cultivar Tie Guan Yin.  Visiblement, il en va dans ce cas-ci comme avec le reste : mieux vaut privilégier l'original à la copie, en choisissant le Tie Guan Yin plutôt que le Si Ji Chun !

vendredi 29 mai 2015

Népal Arya Tara, Grand Cru récolte de printemps 2015 (Le Palais des Thés)

Lors de mon dernier passage à Namur, j'ai fait mon traditionnel pèlerinage au Palais des Thés ( c'est une des quatre boutiques qu'on a en Belgique, et les trois autres étant à Bruxelles, Saint-Gilles et Liège, ce serait dommage de ne pas profiter de l'occasion).  J'avais dans l'idée d'acquérir un nouveau Darjeeling, ma compagne penchait comme d'habitude pour un oolong.  Pour la distraire je lui montre la belle collection de Lapsang Souchong et elle m'avoue que les Pointes Blanches pourraient l'intéresser.  Mais finalement, c'est tout autre chose qu'il s'est produit puisque nous avons lu que suite au tremblement de terre, Le Palais des Thés verserait 2€ à une association locale pour tout achat de 100 grammes de thé népalais.  On s'est donc lancé dans l'aventure et la vendeuse nous a fait sentir toutes les boites qu'elle avait en stock, depuis la plus basse de l'armoire (et aussi la moins chère) jusqu'à la plus haute (qui est donc aussi la plus chère, comme c'est bien pensé !).  Au Palais des Thés, on n'a guère le choix, tous les thés népalais sont classés dans la catégorie des Grands Crus, dont je me vois donc obligé de dire un mot.

Le Palais des Thés appelle "Grands Crus" une sélection de thés rares et éphémères récoltés en petites quantités et aux caractéristiques gustatives exceptionnelles.  Évidemment, de telles qualités se payent cher et vilain (cette année le record va au Long Jing Xi Hou Pré-Quingming à 98€ les 100 grammes, mais je me souviens qu'en 2014 il y avait un Bi Luo Chun dont le chiffre du prix était plus élevé que celui du poids).  Fort heureusement, les thés népalais étant moins connus que les Darjeeling ou les thés verts chinois, ils sont également moins demandés et donc moins chers, c'est la dure loi du capitalisme et on ne va pas s'en plaindre.  Pour la récolte de printemps 2015, la gamme de prix va de 16 à 35€, ce qui est raisonnable quand on sait que pour les Darjeeling, on peut monter jusqu'à 58€ du côté de Margaret's Hope et que si on aime les oolongs taïwanais, le Dong Ding est à 18€ sans être considéré comme un grand cru.

Si l'archéologie permet de remonter à l'an 78 grâce à une inscription sur pierre de l'époque Asaka, le Népal moderne est né en 1768 lorsque le célèbre Prithivi Narayan Shah unifie sous son autorité plusieurs principautés jusque-là indépendantes des contreforts de l'Himalaya.  C'est ensuite en 1873 qu'un certain colonel Gajraj Singh Thapa y implante la culture du thé, suite à un voyage qu'il avait fait à Darjeeling lors duquel il fut séduit par la boisson qu'on lui servait partout où il allait.  Gouverneur des districts de l'Est et gendre du Premier ministre Jung Bahadur Rana (le fondateur d'une véritable dynastie dont les membres se succèdent à la tête du gouvernement népalais de 1846 à 1951), il avait toutes les facilités nécessaires pour faire de la région frontalière avec l'Inde un producteur de thé.  Aujourd'hui encore, les plantations se trouvent dans les quatre districts de l'Est du Népal, qui répondent aux doux noms de Ilam, Panchtar, Dhankuta et Terathum, à une altitude variant entre 1000 et 2000 mètres.  Le Népal produit donc un thé d'altitude, exactement comme le Darjeeling et au contraire de l'Assam (pour le comparer avec les deux célébrités indiennes).

Mes précédentes expériences avec le thé népalais se limitaient à la sympathique maison alsacienne des Jardins de Gaïa , qui m'a permis de goûter un Fikkal vert, fruité et astringeant, et un Fikkal noir qui ressemblait à s'y méprendre à un Darjeeling.  Inutile de les chercher, ils ne ont hélas disparu du catalogue de Wittisheim...

Au Palais des Thés, par contre, on est sur quelque chose de complètement différent : les grands crus népalais de printemps sont tous des thés noirs, mais avec une odeur curieusement végétales, qui est de plus en plus forte au fur et à mesure qu'on monte dans la gamme des prix (et donc qu'on gravit les niveaux de l'armoire, si vous avez suivi).  Le dernier (qui a nécessité l'intervention d'un tabouret pour permettre à la vendeuse théinopalatine de l'attraper) sentait tellement l'herbe coupée que j'ai cru qu'une De Lorean m'avait ramené la veille, lors de ce maudit jour où j'avais tondu la pelouse (je déteste tondre la pelouse, c'est encore plus ennuyant que de faire sécher le linge à l'intérieur parce qu'il pleut).  L'explication est simple : ce sont des thés noirs dont les feuilles ne sont pas entièrement oxydées.  Ce qui n'en fait pas des oolongs pour autant, car la différence entre les deux ne vient pas du niveau d'oxydation, mais du traitement que subissent les feuilles : les oolongs ont deux étapes supplémentaires appelées brassage et roulage qui ne se font pas pour les thés noirs.  On peut donc trouver des oolongs entièrement oxydés (comme ce Tie Guan Yin taïwanais) et des thés noirs partiellement oxydés (comme les grands crus népalais du Palais des Thés).  Finalement, on a choisi de prendre le premier, non pas parce que c'était le moins cher (ou alors pas seulement), mais parce qu'il avait l'odeur la plus agréable : l'Aria Taya, que le Palais des Thés présente comme un Népal de printemps 2015 très gourmand.

C'est un thé qui nous vient du district d'Ilam, plus précisément du village de Shree Antu, à 1500 mètres d'altitude, qu'on nous dit être proche de la frontière indienne et des plantations de DarjeelingSi on en croit l'ami Google, c'est même carrément contre la frontière, exactement comme l'est mon village avec la France en général et le département des Ardennes en particulier.  Du côté du Darjeeling, le jardin d'Ambootia n'est pas loin.  La petite histoire nous dit que le jardin s'appelait auparavant Sidrabong avant d'être renommé en 1885 par des moines bouddhistes spécialistes des sciences ayurvédiques ("Arya" signifierait "respecté" en sanskrit, mais je n'ai pas vérifié).  Une histoire avec des moines, ça fait toujours vendre, mais si l'histoire existe, on ne va pas reprocher au Palais des Thés de nous la raconter, d'autant plus que les renseignements de ce genre sont malheureusement trop rares.  Et puis, un jardin renommé par une communauté bouddhiste fascinée par la beauté et la sérénité d'une vallée, c'est plus joyeux que l'histoire de la fille du propriétaire qui meurt avant d'avoir pu revoir ses plantations de thés chéries, comme c'est le cas chez Margaret's Hope (dont j'adore la récolte d'été, soit dit en passant).

Les conseils de préparation méritent également qu'on s'y attarde : 3 minutes 45 à 85°, c'est précis et c'est normal, puisque c'est un grand cru.  Jusque-là, le Palais des Thés m'avait habitué à des fourchettes peu précises du genre 5 à 7 minutes pour les oolongs taïwanais (je ne dépasse jamais les 5 minutes histoire de garder un peu de réserve pour une deuxième infusion) ou 1 à 2 minutes pour le Sencha Ariake (qui devient amer si on dépasse la minute) , donc j'étais ravi de voir que pour un grand cru il y avait un effort sur ce point.  Sauf que j'ai regardé les autres thés népalais et ils ont tous la même chose : 3 minutes 45 pour 85°.  Et c'est la même chose pour les Darjeeling de printemps.  On monte quand même à 4 minutes pour les Darjeeling d'été et on trouve du 90° pour un Assam Grand Cru.  Mêmes si ce sont tous des grands crus, ce sont quand même des thés différents et les voir avec le même temps d'infusion si précis, ça m'a étonné.  J'ai posé la question au Palais des Thés sur Twitter pour savoir si 3 minutes 45 représentaient le temps d'infusion parfait, mais on m'a juste répondu que c'était là leur conseil mais qu'on pouvait quand même adapter selon ses goûts, ce qui ne répond finalement pas à ma question.  Mais c'est ma faute, je n'ai pas dû être assez précis dans ma demande (140 caractères, c'est parfois un peu court...)

Pour (enfin !) parler du thé en lui-même, ses petites feuilles et ses bourgeons nous confirment qu'on est géographiquement proche du district de Darjeeling et que seul le hasard arbitraire du tracé des frontières l'empêche de porter ce nom.  L'oxydation incomplète se devine à la couleur verte des feuilles, même si ce n'est encore une fois pas ce qui se voit le mieux sur ma photo...



On obtient une liqueur brun clair, un peu déroutante pour un thé noir, même si on s'y attendait.  La première gorgée m'a complètement dérouté, avec son goût végétal.  Je ne sais pas si c'est moi qui avait raté la première infusion ou si c'est mon palais qui avait besoin de s'habituer à un thé noir partiellement oxydé qu'il ne connaissait pas, mais je l'ai trouvé meilleur au deuxième essai. Et aux suivants aussi d'ailleurs ! Les notes végétales sont toujours là, bien sûr, mais moins fortes, et surtout elles ne sont plus seules, car on ressent ensuite des notes gourmandes d'amande très agréables qui font que je recommande ce grand cru népalais à tout le monde.  Il est en plus très accessible financièrement, alors pourquoi s'en priver ?  Par contre, pour que votre achat rapporte 2€ aux victimes du tremblement de terre, il ne faut plus trainer, l'action se termine le 31 mai !



jeudi 21 mai 2015

Jardin du Luxembourg (Dammann Frères)

Pour fêter mon retour après cette trop longue absence, je vais tordre le cou à la raison sociale du blog en parlant d'un thé aromatisé, à savoir Jardin du Luxembourg, de Dammann Frères.

On va tout de suite mettre les choses au point : je n'ai pas aimé ce thé qui représente pour moi tout ce que je déteste dans les thés aromatisés artificiellement.  Je suis d'ailleurs incapable de dire c'est un thé à quoi, tellement il y a de choses dedans.  Jugez plutôt : Dammann nous annonce un oolong vert parsemé de fleurs de jasmin et de pétales de rose, aux arômes fleurs d'aubépine, aloe vera, rose, jasmin, acacia, nénuphar et prunier.  Rien que ça ! Il y a des shampooings qui ont moins d'ingrédients.  Il faut dire que la société Dammann a de l'expérience en la matière, puisqu'il parait que c'est elle qui a inventé les thés aromatisés modernes tels que nous les connaissons, dans les années 1950.  Mais là, c'est trop !

Dès l'ouverture du sachet, c'est une orgie de parfums qui vous agresse les narines et il est impossible d'en identifier un tellement ils sont nombreux et mélangés.  Je vais tenter d'y voir plus clair en reprenant les ingrédients un par un :

- Oolong vert, ça je connais et je dirais même que j'approuve ! Généralement, on connait les thés verts et noirs, mais pas les oolongs qui se situent précisément entre les deux.  Faire connaitre de nouvelles voies aux amateurs de thés aromatisés, c'est une excellente idée.  Malheureusement, l'excellence s'arrête ici...

- Fleurs de jasmin et pétales de rose, ça c'est mal ! D'accord, ce n'est pas artificiel, c'est du vrai jasmin et de la vraie rose, mais ce genre de chose est à éviter, du moins pour le jasmin (la rose je connais moins donc en fait je ne sais pas).  Car si les meilleurs thés au jasmin (et les seuls qui devraient mériter ce nom) sont parfumés avec des fleurs et non par de l'huile ou de l'arôme de jasmin, il faut ensuite enlever les feuilles parce qu'elles ajoutent de l'amertume au thé infusé.  J'ai gouté des thés au jasmin avec et sans fleur et il n'y a pas photo : les meilleurs, les plus fins et délicats, ceux qui n'ont aucune amertume et dont on se ressert avec plaisir, ce sont ceux dont on a enlevé les fleurs une fois que les feuilles de thé ont été parfumées.

- arômes, c'est le casus belli, comme disait le juge Roy Bean dans le treizième album de Lucky Luke.  Parce que les arômes, c'est artificiel, et à force de boire des thés natures aux goûts divers, variés, mais toujours naturels, j'ai rendu mon palais très exigent et je ne supporte plus ces goûts artificiels.  J'ai le même souci avec le Thé du Hammam, que je trouve imbuvable alors que c'est pourtant une des meilleures ventes du Palais des Thés.

- fleurs d'aubépine, ça c'est original, ça pourrait être intéressant à goûter un thé à la fleur d'aubépine, c'est dommage d'utiliser un arôme artificiel et de le mélanger avec des fleurs de jasmin et des pétales de rose, ça noie un peu le poisson.

- aloe vera, ça c'est curieux, je voyais ça plutôt dans des cosmétiques que dans du thé.  Mais je dois sans doute manquer d'imagination !

- rose et jasmin, là je ne comprends plus : pourquoi ajouter des arômes alors qu'on a déjà les fleurs ?

- acacia, nénuphar et prunier : n'en jeter plus, la coupe est pleine ! On en est à sept goûts différents dont je ne savais même pas que certains pouvaient parfumer quoi que ce soit (j'ai bien lu du nénuphar ?).  Au final, trop de parfums tuent les parfums et on ne goûte plus rien du tout.

Et qu'est-ce qu'on fait avec tout ça ? Dammann nous recommande de l'infuser pendant quatre minutes.  A quelle température ?  On ne sait pas ! Car contrairement à Mariage Frères qui s'illustre avec des températures d'infusion fantaisistes, Dammann préfère ne pas prendre de risque en n'en annonçant aucune.  Cela a l'avantage qu'on ne risque pas de se tromper, mais le désavantage, c'est qu'on passe pour un amateur.  Heureusement, ce n'est pas le cas pour tous leurs thés.  Mais bon, toujours est-il que pour celui-là, j'ai du me débrouiller tout seul.

Comme il s'agit d'un oolong, j'ai infusé à 95°.  On obtient la liqueur jaune à laquelle on peut s'attendre avec un thé partiellement oxydé et miracle, à l'odeur, les parfums agressifs et trop nombreux des feuilles sèches semblent ne pas avoir survécus à leur passage dans l'eau chaude.  Ce n'est hélas qu'une impression trompeuse, car au goût, on retrouve cet amas de parfums artificiels, certes adoucis par le bain chaud, mais suffisamment présents pour masquer totalement l'éventuel goût du thé.  Avec un oolong vert, je m'attendais à de délicieuses saveurs florales, même si j'imagine bien que pour l’inonder ainsi de parfums, Dammann n'avait pas choisi un Tie Guan Yin de première classe aux subtils arômes de muguet.  Finalement c'est peut-être le cas, mais on n'en saura jamais rien car tout ce qu'on goûte c'est un bouillon artificiel qui en plus laisse un très mauvais goût en bouche.  Et je dirais même que c'est ça le pire, car quand je bois un thé, j'ai envie d'être rafraichi et désaltéré, et de garder un agréable goût en bouche qui m'interdit d'avaler autre chose dans les minutes qui suivent pour ne pas le perdre.  Or là, c'est tout l'inverse ! Ce goût artificiel qui reste en bouche est tellement insupportable que j'ai envie d'avaler n'importe quoi pour purifier mes papilles, en espérant qu'elles fonctionneront encore après le supplice que je viens de leur infliger.

Maintenant, j'admets que comme il n'y avait pas de température, j'ai pu mal l'infuser.  Donc j'ai réessayé à 90° et j'ai d'abord été surpris, car à la première gorgée, les parfums artificiels sont moins forts.  Mais on a toujours ce mauvais goût en bouche à la fin, donc pour moi, le Jardin du Luxembourg est à éviter, du moins en thé, car il parait que le vrai, à côté du palais éponyme, est magnifique.  D'ailleurs, si j'étais le président du Sénat, je demanderais des dommages et intérêts à Dammann Frères pour avoir oser salir ainsi le nom d'un si joli parc avec une parfumerie aussi infâme.  Mais bon, je m'égare peut-être sous le coup des arômes qui me montent à la tête...

Enfin, voici quand même les photos du coupable.  Si jamais vous le voyez, fuyez avant qu'il ne soit trop tard !


jeudi 6 novembre 2014

Liu An Gua Pian Qiyun (Thé Calin)

Visitons la Chine en général et la province d'Anhui en particulier, avec le Liu An Gua Pian Qiyun de Thé Calin.

Le Liu An Gua Pian est un thé peu connu, malgré qu'il figure sur la fameuse liste des dix thés les plus fameux de Chine (du moins selon certaines sources).  Il faut dire qu'il subit la concurrence féroce de ses prestigieux voisins que sont le Qimen, le Huang Shang Mao Feng et le Tai Ping Hou Kui, qui sont eux aussi originaires de l'Anhui.  Je vais donc tâcher de remédier à tout ça.  Mais avant, un peu de traduction !

Liu An est le nom de la ville où le thé a été créé, ça c'est facile.  Gua Pian, par contre, c'est déjà plus compliqué.  Comme souvent, avec les thés verts chinois, cela fait références à la forme des feuilles.  Certains le traduisent par "en forme de courge", d'autres "tranche de courge" (l'idée reste la même), certains "tranche de melon" (on reste dans les cucurbitacées, mais c'est un peu plus précis) et j'ai même lu une fois "pépin de pastèque" (là on change de registre !). Si vous voulez vous faire une idée, voilà à quoi ressemble les feuilles :


Quant à "Qiyun", c'est un mont des Montagnes Jaunes au pied duquel est produit le thé qui nous occupe en ce moment.  Il se situe dans le sud de l'Anhui, dans la préfecture de Huangshan (celle-là même où se trouve également le district de Qimen, célèbre pour son délicieux thé noir dont je parlerai une autre fois). Son nom signifie "au même niveau que les nuages", ce qui est joli et poétique mais un peu éloigné de la réalité puisqu'il culmine à 585 mètres.  C'est néanmoins une région brumeuse, alternativement brumeuse et ensoleillée, ce qui est appréciable pour la culture du thé.  Enfin, c'est surtout une montagne sacrée du taoïsme, de qui ne gâche rien.

Le Liu An Gua Pian est un thé original à plus d'un titre.  Tout d'abord, c'est le thé vert chinois qui contient le plus d'antioxydants.  C'est sans doute dû au cultivar Du Shan qui est endémique de la région du Mont Qiyun.  La manufacture ne se fait pas comme ailleurs, puisque contrairement à ses collègues les autres thés prestigieux, il est uniquement constitué de feuilles et ne comprend donc aucun bourgeon.  Enfin, la torréfaction sort également de l'ordinaire puisqu'on utilise une sorte de balai comme celui que manipulent ces deux expertes :


Tout cela nous donne une liqueur moelleuse avec de subtiles touches mentholées qui font du Liu An Gua Pian un thé frais et rafraichissant.  Forcément, comme il s'agit d'un thé vert de qualité, j'ai utilisé un gaiwan pour l'infuser.