vendredi 29 mai 2015

Népal Arya Tara, Grand Cru récolte de printemps 2015 (Le Palais des Thés)

Lors de mon dernier passage à Namur, j'ai fait mon traditionnel pèlerinage au Palais des Thés ( c'est une des quatre boutiques qu'on a en Belgique, et les trois autres étant à Bruxelles, Saint-Gilles et Liège, ce serait dommage de ne pas profiter de l'occasion).  J'avais dans l'idée d'acquérir un nouveau Darjeeling, ma compagne penchait comme d'habitude pour un oolong.  Pour la distraire je lui montre la belle collection de Lapsang Souchong et elle m'avoue que les Pointes Blanches pourraient l'intéresser.  Mais finalement, c'est tout autre chose qu'il s'est produit puisque nous avons lu que suite au tremblement de terre, Le Palais des Thés verserait 2€ à une association locale pour tout achat de 100 grammes de thé népalais.  On s'est donc lancé dans l'aventure et la vendeuse nous a fait sentir toutes les boites qu'elle avait en stock, depuis la plus basse de l'armoire (et aussi la moins chère) jusqu'à la plus haute (qui est donc aussi la plus chère, comme c'est bien pensé !).  Au Palais des Thés, on n'a guère le choix, tous les thés népalais sont classés dans la catégorie des Grands Crus, dont je me vois donc obligé de dire un mot.

Le Palais des Thés appelle "Grands Crus" une sélection de thés rares et éphémères récoltés en petites quantités et aux caractéristiques gustatives exceptionnelles.  Évidemment, de telles qualités se payent cher et vilain (cette année le record va au Long Jing Xi Hou Pré-Quingming à 98€ les 100 grammes, mais je me souviens qu'en 2014 il y avait un Bi Luo Chun dont le chiffre du prix était plus élevé que celui du poids).  Fort heureusement, les thés népalais étant moins connus que les Darjeeling ou les thés verts chinois, ils sont également moins demandés et donc moins chers, c'est la dure loi du capitalisme et on ne va pas s'en plaindre.  Pour la récolte de printemps 2015, la gamme de prix va de 16 à 35€, ce qui est raisonnable quand on sait que pour les Darjeeling, on peut monter jusqu'à 58€ du côté de Margaret's Hope et que si on aime les oolongs taïwanais, le Dong Ding est à 18€ sans être considéré comme un grand cru.

Si l'archéologie permet de remonter à l'an 78 grâce à une inscription sur pierre de l'époque Asaka, le Népal moderne est né en 1768 lorsque le célèbre Prithivi Narayan Shah unifie sous son autorité plusieurs principautés jusque-là indépendantes des contreforts de l'Himalaya.  C'est ensuite en 1873 qu'un certain colonel Gajraj Singh Thapa y implante la culture du thé, suite à un voyage qu'il avait fait à Darjeeling lors duquel il fut séduit par la boisson qu'on lui servait partout où il allait.  Gouverneur des districts de l'Est et gendre du Premier ministre Jung Bahadur Rana (le fondateur d'une véritable dynastie dont les membres se succèdent à la tête du gouvernement népalais de 1846 à 1951), il avait toutes les facilités nécessaires pour faire de la région frontalière avec l'Inde un producteur de thé.  Aujourd'hui encore, les plantations se trouvent dans les quatre districts de l'Est du Népal, qui répondent aux doux noms de Ilam, Panchtar, Dhankuta et Terathum, à une altitude variant entre 1000 et 2000 mètres.  Le Népal produit donc un thé d'altitude, exactement comme le Darjeeling et au contraire de l'Assam (pour le comparer avec les deux célébrités indiennes).

Mes précédentes expériences avec le thé népalais se limitaient à la sympathique maison alsacienne des Jardins de Gaïa , qui m'a permis de goûter un Fikkal vert, fruité et astringeant, et un Fikkal noir qui ressemblait à s'y méprendre à un Darjeeling.  Inutile de les chercher, ils ne ont hélas disparu du catalogue de Wittisheim...

Au Palais des Thés, par contre, on est sur quelque chose de complètement différent : les grands crus népalais de printemps sont tous des thés noirs, mais avec une odeur curieusement végétales, qui est de plus en plus forte au fur et à mesure qu'on monte dans la gamme des prix (et donc qu'on gravit les niveaux de l'armoire, si vous avez suivi).  Le dernier (qui a nécessité l'intervention d'un tabouret pour permettre à la vendeuse théinopalatine de l'attraper) sentait tellement l'herbe coupée que j'ai cru qu'une De Lorean m'avait ramené la veille, lors de ce maudit jour où j'avais tondu la pelouse (je déteste tondre la pelouse, c'est encore plus ennuyant que de faire sécher le linge à l'intérieur parce qu'il pleut).  L'explication est simple : ce sont des thés noirs dont les feuilles ne sont pas entièrement oxydées.  Ce qui n'en fait pas des oolongs pour autant, car la différence entre les deux ne vient pas du niveau d'oxydation, mais du traitement que subissent les feuilles : les oolongs ont deux étapes supplémentaires appelées brassage et roulage qui ne se font pas pour les thés noirs.  On peut donc trouver des oolongs entièrement oxydés (comme ce Tie Guan Yin taïwanais) et des thés noirs partiellement oxydés (comme les grands crus népalais du Palais des Thés).  Finalement, on a choisi de prendre le premier, non pas parce que c'était le moins cher (ou alors pas seulement), mais parce qu'il avait l'odeur la plus agréable : l'Aria Taya, que le Palais des Thés présente comme un Népal de printemps 2015 très gourmand.

C'est un thé qui nous vient du district d'Ilam, plus précisément du village de Shree Antu, à 1500 mètres d'altitude, qu'on nous dit être proche de la frontière indienne et des plantations de DarjeelingSi on en croit l'ami Google, c'est même carrément contre la frontière, exactement comme l'est mon village avec la France en général et le département des Ardennes en particulier.  Du côté du Darjeeling, le jardin d'Ambootia n'est pas loin.  La petite histoire nous dit que le jardin s'appelait auparavant Sidrabong avant d'être renommé en 1885 par des moines bouddhistes spécialistes des sciences ayurvédiques ("Arya" signifierait "respecté" en sanskrit, mais je n'ai pas vérifié).  Une histoire avec des moines, ça fait toujours vendre, mais si l'histoire existe, on ne va pas reprocher au Palais des Thés de nous la raconter, d'autant plus que les renseignements de ce genre sont malheureusement trop rares.  Et puis, un jardin renommé par une communauté bouddhiste fascinée par la beauté et la sérénité d'une vallée, c'est plus joyeux que l'histoire de la fille du propriétaire qui meurt avant d'avoir pu revoir ses plantations de thés chéries, comme c'est le cas chez Margaret's Hope (dont j'adore la récolte d'été, soit dit en passant).

Les conseils de préparation méritent également qu'on s'y attarde : 3 minutes 45 à 85°, c'est précis et c'est normal, puisque c'est un grand cru.  Jusque-là, le Palais des Thés m'avait habitué à des fourchettes peu précises du genre 5 à 7 minutes pour les oolongs taïwanais (je ne dépasse jamais les 5 minutes histoire de garder un peu de réserve pour une deuxième infusion) ou 1 à 2 minutes pour le Sencha Ariake (qui devient amer si on dépasse la minute) , donc j'étais ravi de voir que pour un grand cru il y avait un effort sur ce point.  Sauf que j'ai regardé les autres thés népalais et ils ont tous la même chose : 3 minutes 45 pour 85°.  Et c'est la même chose pour les Darjeeling de printemps.  On monte quand même à 4 minutes pour les Darjeeling d'été et on trouve du 90° pour un Assam Grand Cru.  Mêmes si ce sont tous des grands crus, ce sont quand même des thés différents et les voir avec le même temps d'infusion si précis, ça m'a étonné.  J'ai posé la question au Palais des Thés sur Twitter pour savoir si 3 minutes 45 représentaient le temps d'infusion parfait, mais on m'a juste répondu que c'était là leur conseil mais qu'on pouvait quand même adapter selon ses goûts, ce qui ne répond finalement pas à ma question.  Mais c'est ma faute, je n'ai pas dû être assez précis dans ma demande (140 caractères, c'est parfois un peu court...)

Pour (enfin !) parler du thé en lui-même, ses petites feuilles et ses bourgeons nous confirment qu'on est géographiquement proche du district de Darjeeling et que seul le hasard arbitraire du tracé des frontières l'empêche de porter ce nom.  L'oxydation incomplète se devine à la couleur verte des feuilles, même si ce n'est encore une fois pas ce qui se voit le mieux sur ma photo...



On obtient une liqueur brun clair, un peu déroutante pour un thé noir, même si on s'y attendait.  La première gorgée m'a complètement dérouté, avec son goût végétal.  Je ne sais pas si c'est moi qui avait raté la première infusion ou si c'est mon palais qui avait besoin de s'habituer à un thé noir partiellement oxydé qu'il ne connaissait pas, mais je l'ai trouvé meilleur au deuxième essai. Et aux suivants aussi d'ailleurs ! Les notes végétales sont toujours là, bien sûr, mais moins fortes, et surtout elles ne sont plus seules, car on ressent ensuite des notes gourmandes d'amande très agréables qui font que je recommande ce grand cru népalais à tout le monde.  Il est en plus très accessible financièrement, alors pourquoi s'en priver ?  Par contre, pour que votre achat rapporte 2€ aux victimes du tremblement de terre, il ne faut plus trainer, l'action se termine le 31 mai !



6 commentaires:

  1. Lionel, concernant le fait qu'il soit meilleur à la seconde infusion, ça arrive à certains thés même dans avoir raté la première. Tu as fait chauffer la théière avant de verser l'eau pour préparer les feuilles?

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  2. Bien sûr, ça fait partie des fondamentaux !
    J'ai peut-être mis trop de feuilles, ou pas assez d'eau ou trop de feuilles dans pas assez d'eau. Ou peut-être que l'eau était trop chaude : la bouilloire Riviera et Bar à température variable, c'est très bien, mais on ne peut la régler que par 10 degrés, donc pour faire 85, je la règle sur 90 et je l'arrête avant. Peut-être que cette fois-là je n'ai pas été assez rapide.
    Sinon, il y a aussi le fait que je devais m'habituer au thé noir végétal dont j'ignorais encore l'existence juste avant de l'acheter.
    Au final, je préfère un thé meilleur au deuxième essai que moins bon ! Et ça,heureusement, ça ne m'est pas encore arrivé

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  3. Pour la semaine passée, normalement...

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  4. J'ai envie de me faire une sorte de "tour du monde du thé" en sélectionnant un thé de différents pays. Le Népal fait partie de mes projets théinés, je note donc ta référence. :D

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    1. En voilà une bonne idée ! Celui-ci date du printemps 2015 et on est en été 2016 donc tu ne le trouveras plus, mais c'est pas grave, ils valent tous la peine d'être essayé !

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